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Quand Fabrice Hyber verdissait la coupole des Immortels

Pour son installation à l’Académie des Beaux-Arts, le mercredi 7 juillet, à Paris, l’artiste Fabrice Hyber, originaire de Vendée, avait invité les forêts de ses vallées natales, et d’autres forêts imaginaires.

Les étudiants germano-pratins, dont j’ai fait quelques temps partie, s’échappent parfois des murailles de leurs écoles pour aller rêver de voyages en humant l’air frais de la Seine. Pendant ces années, leurs pas, et les miens, s’arrêtaient le plus souvent au pied de la sublime coupole de l’Institut de France pour pénétrer, par la gauche du bâtiment, dans la cour intérieure. Une petite porte étroite menait à la bibliothèque Mazarine, où tant d’amoureux des lettres ont dévoré pages après pages, à défaut de déjeuner.

Il fallait être bien féru d’histoire du Grand Siècle pour saluer en ce temps la mémoire de Jules Mazarin qui voulut l’édification de ce temple du savoir, qu’il avait alors appelé le Collège des Quatre Nations et dont il avait confié le projet à Louis Le Vau, l’architecte de Vaux-le Vicomte. Ce mercredi 7 juillet 2021, je traversai le pont des Arts pour entrer cette fois par la porte de droite et j’allai m’incliner devant l’inspirateur de ces lieux dont le cénotaphe veille toujours sur le côté de la coupole.

Ce jour-là, sous ce ciel vénérable , tout était vert. Vert, l’habit des Académiciens, vert, le velours des fauteuils, verts, les masques des invités, vert comme « la première pousse des charmes au printemps », cette nuance très subtile que l’on appelle le Vert Hyber depuis que Fabrice né Hybert, le 12 juillet 1961 à Luçon (Vendée), a choisie pour emblème lors de sa première exposition Mutation, à la maison des Avocats à Nantes en 1986.

La Source

Ce jour-là donc, on célébrait avec beaucoup de retard et d’émotion l’installation de l’artiste vendéen, élu membre à l’Académie des Beaux-Arts dans la section peinture le 25 avril 2018. Le Coronavirus est passé par là entre-temps, la mort de son mari, Pierre Giquel, écrivain nantais bien aimé, et les progrès de la numérisation qui permettent de retrouver en intégralité le déroulé de cette cérémonie, condensé de poésie et de fantaisie. Imaginez dans cette rotonde où siègent depuis trois siècles les plus illustres esprits français, une assemblée souriante entourant l’artiste vendéen pour l’accueillir au sein de cette Compagnie avec, selon les mots de son président Alain-Charles Perrot un plaisir d’autant plus immense que, pour cause de covid, l’Académie des Beaux Arts n’avait pu se réunir publiquement depuis plus d’un an. 

Pour lui souhaiter la bienvenue, son ami, le compositeur et académicien, Régis Campo, avait préparé « un discours en forme de clairière verte, lumineuse et joyeuse » invitant l’assemblée à faire l’école buissonnière » sur les chemins et dans les forêts de Vendée. « Votre père et votre mère, éleveurs de moutons, étaient à vos yeux de beaux amoureux, rappelait l’orateur. Enfant vous détournez les ruisseaux pour orienter les eaux de pluie vers d’autres but secret, avec la terre vous aimez faire de objets et semer des graines, comme les graines de conifères de votre chère grand-mère. Comme un elfe ou un ange, Régis Campo s’est promené au sein de l’œuvre protéiforme de Fabrice Hybert : de son premier dessin en. 1971, Kiri le Clown et le chat Ratibus, à sa première œuvre officielle en 1980, « le mètre carré de rouge à lèvre » en passant par toutes ses créations aussi folles que désinvoltes : les « Hommes verts de Bessine », les Prototypes d’Objets en Fonctionnement (POF) – plus 150 objets invraisemblables réalisés entre 1991 et 2012 comme des ballons carrés, des lunettes réversibles, le plus gros savon du monde de 22 tonnes –   mais aussi les « Peintures Homéopathiques » qui forment le centre de son art.

Peinture homéopathique n°30, Inhumain Immortel

« Je me suis penché vers ces peintures, s’enthousiasmait Régis Campo, et j’ai vu les plages du sud de la Vendée, des huitres, des perles, des mousses, de l’humus, du laurier, du jasmin et du fenouil marin. » Quelques instants plus tard, ce fut au tour de Fabrice Hyber, plus qu’ému, de prononcer ses premiers mots pour rendre hommage à son prédécesseur, le peintre Chu Teh Chun et réaffirmer ses engagements : diversité, équilibre entre les femmes et les hommes, inspiration mêlant l’expérience à la théorie, les sciences pures à la nature.

L’oeuvre du peintre Chu Teh Chun s’est promenée sous la Coupole

« En semant une forêt en Vendée, là où je suis né, soutenu par mes parents, ensemble, nous avons voulu redonner des lettres de noblesse à une France rurale en ensemençant notre vallée d’essences d’arbre comme autant de cathédrales du vivant. Je salue les représentants de la Vendée, un terreau où j’ai pris racine et qu’à mon tour je souhaite partager. »

Et pour armer ce « berger de la joie », il fallait une épée d’académicien à sa mesure. Ce fut un humble et modeste bâton de berger (voir ci-contre) et c’est ainsi que s’acheva la cérémonie solennelle et fraternelle, dans un vibrant concert de louanges et de promesses.  Cinq jours plus tard, le 12 juillet, Fabrice Hyber fête ses 60 ans, preuve que, dans la vie, le hasard n’existe pas. Mais en attendant, ce fut un beau jour, « un jour de palmes, un jour de feuillages au front », « un jour comme un oiseau sur la plus haute branche ».

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