CHANSONS GRANDES FIGURES

Félix Leclerc : Variations sur le verbe Donner

Félix Leclerc a tissé les mots et les mélodies en gerbes inoubliables, puis nous les a données. L’homme, né le 2 août 1914, fêterait bientôt ses 110 ans s’il ne s’était endormi, le 8 août 1988, au milieu des « choses tranquilles » de son île d’Orléans au Québec. La voix du poète et du chanteur résonnent toujours.

Félix Leclerc, le plus grand poète du Québec, et d’ailleurs

 Félix Leclerc était l’ami de Jean de Lafontaine. Comme l’auteur des Fables, il savait lire dans l’âme des humains, des animaux, des paysages et des objets et porter leur parole auprès des pauvres hommes qui n’avaient pas appris à les écouter. Avec lui et le groupe Beau Dommage, le phoque en Alaska pense à sa Blonde, les Poteaux s’animent sur le Saint-Laurent, Bozo, le fou du marais de joncs mauvais est amoureux. Né à La Tuque, il est le sixième des onze enfants de Léo Leclerc, commerçant de chevaux illlettré et conteur, et de Fabiola Parrrot , sa mère, qui aurait aimé le voir porter la soutane. Arrivé de sa province québecoise à Paris au début des années 1950, sa guitare et sa voix unique au timbre si grave bouleversent le milieu de la chanson française de Brel à Brassens et Béart. Paysan, poète, chansonnier, barde, paysan, animateur pour radio CHRC de Québec à partir de 1934, auteur pour le théâtre, il écrit en 1937. Sa première chanson Notre sentier qui le ramène vers sa campagne et participe à la création d’une autre radio à Trois-Rivières (Mauricie), à deux pas de la maison familiale. Après la guerre de 1939-45, qu’il s’installe à Vaudreuil, près de Montréal, sur les bords du lac des Deux Montagnes où il trouve l’inspiration pour ses chansons les plus connues : Moi, mes souliers, le Roi heureux, La mer n’est pas la mer et, entre autres, Dialogues d’hommes et de bêtes, treize contes écrits pour la radio, comme des pièces de théâtre.

En 1950, la France l’accueille à bras ouverts, avec sa chevelure brouillonne , sa guitare en bandoulière et le soutien de l’impressario parisien, Jacques Canetti. Félix, le canadien, est consacré par Maurice Chevalier, Charles Trénet, Edith Piaf. On vient de partout l’applaudir aux Trois Baudets. Il déambule dans les rues de la Capitale, de Saint-Germain des Prés à Montmartre, voyage à Rome où le papa Pie XII bénit sa foi de chansonnier.

En 1953, son retour au Québec est un triomphe porté par l’aura que ses succès français lui ont conféré . Dans les années 1960, il s’engage dans la défense de l’indépendance du Québec et écrit ses chansons les plus engagées : l’Alouette en colère et Les 100.000 façons de tuer un homme. Variations sur le verbe donner est de cette veine. La chanson paraît sur l’album, « la Vie » (Paris, Philips, 1967). Et c’est si beau :

« Donner de l’herbe, écrit-il, La nature le fait
Ne rien donner, Tous les hommes le font.. »

Moi je connais un homme
Qui n’doit rien à personne
Qui sait tout éviter qui jamais ne reçoit plus que donner ses yeux plus que donner l’espoir
Il m’a donné d’un coup vingt-deux ans de sa vie
Il m’a donné son parapluie

C’était un bout de bois avec un petit toit qui s’ouvre et qui se ferme
Par un jeu de baleine
La continuation de sa main sa raison sa canne son témoin son arbre sa défense et sa sécurité

Il se l’est amputé comme on donne son coeur
Voilà je te le donne
Je boîterai peut-être
Je perdrai l’équilibre
Si vous voulez savoir si un homme vous aime
Attendez qu’il vous donne
Son parapluie »

l’Ile d’Orléans, dite aussi l’île Minigo (enchantée) que Félix Leclerc chante si bien dans le Tour de l’Ile.

Dans les chansons et dans la voix de Félix Leclerc vibrent tout la générosité du Québec, les rougoiements de l’automne en Mauricie, les brumes blanches sur le Saint-Laurent, les sombres forêts de Tadoussac.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *