EXPO GRANDES FIGURES

Le printemps insolent de David Hockney 25

27th March 2020, n°1 (364,1 X 521,4 ensemble)

Avec ses couleurs, son humour, ses paysages immenses, ses jeux de miroirs, ses bouquets de fleurs par milliers et ses cigarettes, le peintre anglais David Hockney s’installe pour six mois dans l’immense vaisseau de la Fondation Vuitton construit par son ami Franck Gehry. Avec David Hockney 25, du fusain à l’Ipad, de la nature morte à l’opéra, en plus de 400 oeuvres, il a tout imaginé de cette scénographie prodigieuse. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à 87 ans, il n’a pas fini d’être impertinent !

Mais oui, David Hockney est là, presque, il vous accueille, souriant, malicieux et blagueur, dans chacune des immenses salles de la Fondation Vuitton à Paris. Il est à la fois le sujet, l’ouvrier, l’artisan, l’artiste, le penseur, l’architecte, le dieu créateur de cette immense déambulation pour laquelle il vous prend par la main, dès le rez-de chaussée pour partir à la découverte de 400 de ses oeuvres, étalée sur une période qui court de 1955 à 2025, mais dont une grande majorité relèvent de sa production récente.

David Hockney, série d’autoportraits, entre le 13 mars et le 19 avril 2012

La vie de ce David Hockney-ci commence en l’an 2000 car avec cette carte blanche offerte par la Fondation Vuitton, l’artiste britannique a choisi de se concentrer sur les 25 dernières années de sa création. Et, pour une rétrospective, ce qui pourrait sembler être un choix un peu partial, s’avère être un sacré cadeau et un parti pris aussi réjouissant que toutes les satanées surprises qu’il nous réserve tout au long de ce parcours sans nous priver des étapes clefs de son parcours. David Hockney est né en 1937 dans la ville ouvrière de Bradfort au Nord de l’Angleterre. Il est devenu à Londres, où il intègre le Royal College of Art, l’une des figures des Swinging Sixties et s’est installé en 1964 à Los Angeles où ses fameuses piscines ont fait son succès, tout autant que ses doubles portraits et ses très grands paysages. Dans une salle aux murs aussi rouges que les gorges du Grand Canyon, il nous laisse réviser ces classiques toujours aussi saisissants par leur précision et leur dépouillement : A bigger Splash (1967), Portrait of an Artiste, Pool with wwo figures (1972), mais aussi Christopher Isherwood and Don Bachardy (1968) ou Mr and Mrs Clark and Percy (1971), ils sont tous là. Et c’est un peu vertigineux de penser que son Portrait of an Artiste s’est vendu 90,3 millions de dollars… faisant de lui l’un des artistes vivants les plus chers au monde…

Tout comme l’immense A Bigger Grand Canyon (1998), huile sur soixante toiles assemblées dont la dimension atteint ainsi 7,44 mètres sur 2,07 mètres… Et c’est là que la magie commence à opérer car face à ces oeuvres où pourtant se devine la liaison entre les panneaux, l’on se retrouve comme happé, emmené dans ce plongeon ou aspiré par l’atmosphère embrasée de ce paysage rougeoyant comme la braise car, à y regarder de plus près, on perçoit bien qu’il a ainsi juxtaposé divers points de vue.

Pour la suite, David Hockney a choisi de nous emmener en balade sur ses terres. A partir de 1997, il revient plus fréquemment, dans le Yorkshire, et se met en tête de peindre cette région qu’il connaît bien mais à laquelle il ne reconnaît « aucun attrait pittoresque immédiat ». C’est ainsi qu’il découvre un nouveau langage et un nouveau regard qui suscitent la composition et la naissance de grands ensemble. Dans la lignée des grandes paysagistes anglais Constable et Turner, il se met en tête de représenter le changement des saisons. Il travaille en plein air et revient aux techniques traditionnelles qu’il mêle à l’informatique et à la photographie pour achever sa plus grande oeuvre, Bigger Tress near Warter ou Peinture sur le Motif pour le Nouvel Age Post-Photographique.

L’informatique est le nouveau joujou de ce jeune homme de quatre fois vingt ans. Elle lui permet de jouer à démultiplier ses créations, à les considérer en petit, en grand, à les transformer. Ainsi ses portraits de fleurs qui commencent à « dialoguer » ainsi qu’il le dit, avec les portraits de ses proches, tous ses amis, représentés ensemble, commeune joyeuse communauté dans une enfilade de salles aux murs peints en bleu canard, comme il l’a demandé.

On sourit, on s’émerveille, on s’étonne devant la précision du trait de pinceau, malgré les grands formats, devant la lumière qui jaillit d’un vase ou qui se reflète sur un napperon, face à l’hyperréalisme d’une rose, d’une bouteille d’eau ou d’un fauteuil en rotin. On comprend pourquoi Bernard Arnault confie sa passion pour Hockney dans le catalogue de l’oeuvre :

« Il rend optimiste. »

« David Hockney enchante notre monde, nos émotions comme nos pensées. Il nous fait voir la nature et l’univers plus grands, plus lumineux, plus profonds aussi. Il nous fait nous découvrir. Je le redis, il est un de mes artistes préférés. Parce qu’aussi en se rapprochant de lui, on se rapproche de tous ceux qui se reconnaissent en lui. il rend optimiste. Alors on peut s’interroger : par quelle magie ? Par quel secret ? Je dirai simplement en paraphrasant Claude Monet : David Hockney maintient nos coeurs éveillés par toutes les couleurs de son silence. »

Et puis, voici l’année 2020, qui pour la majorité de l’humanité fut celle du confinement. David Hockney n’a pas fait l’exception mais pour cette période, il s’était installé dans le village du pays d’Auge où il a acheté une maison. Pour réconforter ses amis cloitrés en ville, il commence à leur envoyer des dessins sur iPad, d’abord des jonquilles qu’il accompagne pour la première fois de cette phrase :

« Do remember, they can’t cancel the spring »

Jaillit une nouvelle source d’inspiration dans cet environnement immédiat. Comme un jeu, un défi lancé par un enfant de 83 ans à lui-même, Hockney se donne l’objectif de réaliser 220 vues normandes pour l’année 2020. La série « 220 for 2020 » couvre un territoire de quelques hectares où tout devient sujet à observation, les variations des saisons, la pluie, le verdissement des plantes. Comme des amis, il peint les objets qui l’entourent, leur donne une âme, à moins que ce ne soient eux qui l’enchantent ? Le premier, baptisée 27th March 2020, n°1 présente un grand arbre en fleur, insolemment dressé dans fond de ciel printanier. La peinture réalisée sur iPad est ensuite imprimée sur papier et montée sur cinq panneaux en aluminium. L’ensemble mesure 3,64 mètres par 5,21 mètres…

David Hockney en Normandie

Il y a dans cette exposition géniale, immense, mouvante, surprenante et follement amusante mille autres surprises qu’il faut aller découvrir par soi-même pour se laisser émerveiller comme un gosse ou comme un chien, pour humer l’odeur des prés mouillés, pour s’ébrouer dans l’herbe, pour faire des claquettes dans les flaques, pour cligner des yeux en regardant la lune, ou le soleil et, enfin, pour écouter de la musique. Car, par un miracle qui n’appartient qu’à lui, David Hockney peint aussi l’opéra dans une dernière salle conçue spécialement à partir de ses dessins et désors pour les théâtres lyriques : Turandot, La Bohème de Giacomo Puccini, Tristan et Iseult de Richard Wagner, la Flûte enchantée de W.A Mozart, the Rake’s Progress (la carrière d’un libertin) d’Igor Stravinski. Comme il le dit si justement Hockney : « Nous avons besoin de plus d’opéra. Il est plus grand que la vie. »

Pratique :

David Hockney s’installe à la Fondation Louis Vuitton.

8, av Mahatma Gandhi, 75116 PARIS

DU 9 avril au 31 août 2025, de 5 à 16 euros, nocturne le 1er vendredi du mois jusqu’à 23heures.

Catalogue réalisé par Sir Norman Rosenthal, historien de l’art, ami et secrétaire des expositions dà la Royal Academy de Londres de 1977 à 2008.

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