À LA UNE CHANSONS EN SCÈNE Poésie

Feu ! Chatterton nous invite dans le Labyrinthe

Le 16 octobre 2025, le groupe de rock emmené par son chanteur Arthur Teboul offrait un concert en direct sur les ondes de France Inter en direct du Studio 104 de la Maison de Radio-France. Tour de chauffe dans une intense intimité avant la grande tournée qui va les emmener du 8 novembre 2025 au 9 décembre 2026 en France, en Belgique, en Suisse, au Québec, pour porter leur nouvel album, Labyrinthe, en triomphe. Et, en les écoutant, on se dit que Feu ! Chatterton, qui avait fait l’ouverture de la tournée virtuelle de U2 en 2021, chante la langue et la poésie française avec un amour à faire tomber les murs et les frontières.

Ce Labyrinthe, il y a bien longtemps que Doña Musique l’attend, l’espère, que Doña Musique le rêve, le vit. Depuis le mythe grec, le plus fascinant, celui où se retrouvent Thésée, Ariane, Minos, Dédale, Icare et Astérion, c’est la métaphore infinie de la vie, de la quête, de l’humanité et de la barbarie. Un jour, il faudra que nous en reparlions, vraiment, sérieusement. Mais ce soir, jeudi 16 octobre 2025, sur la scène du studio 104 de la Maison de Radio-France, Labyrinthe, c’était l’album et le titre de Feu ! Chatterton.

Feu ! Chatterton, est constitué, comme ils le disent par « cinq colocataires heureux » : Arthur Teboul, le fou chantant, Clément Doumic, Sébastien Wolf, les poteaux du Lycée Louis-le-Grand, qui ont attiré à eux Antoine Wilson à la basse et Raphaël de Pressigny à la batterie. En 2013, ils avaient soulevé le public de Rock en Seine. Leurs premiers albums « Ici, le jour a tout enseveli » (2015), « L’Oiseleur » (2018), chez Barclay Universal ont été disques d’or. Le troisième « Palais d’argile » les a consacrés comme des trésors vivants du rock. Très fort, Arthur Teboul fait vibrer la langue française avec la force des grands poètes. Il peut tutoyer Aragon et Ferré, il les a chanté, par exemple le 21 février 2024, jour de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, où il dit pour eux les mots, beaux comme un éternel printemps, de l’Affiche Rouge.

Ils aiment d’ailleurs cette compagnie puisqu’ils reprennent dans l’album un autre poème d’Aragon, qui leur va comme un gant. « J’arrive où je suis étranger » (la Diane Française 1944), que Jean Ferrat avait revêtu la douceur neigeuse des ans en 1994, devient, avec leur base électro, rauque et scandée, le cri de révolte de tous ceux qui cherchent leur repère.

Comme tous les dédales, leur album Labyrinthe est le fruit d’une lente construction et maturation, un chemin certes, un pont, sûrement, très étroit, qu’il leur a fallu bâtir, tracer et tailler afin d’avancer en espérant, un jour, arriver. Il y le titre, éponyme, sur des rythmes latinos. Pour le concert, au Studio 104, le rendez-vous est compté entre les 55 minutes qui séparent les flashs d’infos. Ils ont commencé avec « Compagnons » dans la joie et quand ils enchaînent « Allons voir » et Labyrinthe, la salle est déjà debout, et danse. Parce que oui, c’est écrit dans le Traité du Labyrinthe, autrement appelé Chemin de sagesses, de Jacques Attali, et tous les anciens peuples de la fin des temps le savent :

Pour avancer dans le labyrinthe, il faut savoir ne pas perdre le fil et danser.

Ce labyrinthe est bien joyeux, dans le fond. Parce que oui, nous y sommes tous perdus, mais ils nous le disent : « Regarde là-haut, le ballon s’élève enfin, l’enfant qui chantait a défait le lien. Regarde comme c’est beau, les mains pleines ou les mains jointes, nous sommes tous perdus dans le labyrinthe ».

On aimerait leur demander : qui en a trouvé le titre ? Arthur Teboul, l’un des cinq chevaliers, ou Jean-Philippe Allard, leur producteur, l’ami qui les portés, comme il avait emmené avant Stan Getz, Charlie Hadden, Dee Dee Bridgewater, Baptiste Trotignon et tant d’autres, et qui les a laissés sur le chemin le 17 mai 2024, alors qu’ils étaient encore perdus dans le Labyrinthe de leur album. Une « maladie fulgurante » à 67 ans, comme à tout âge, c’est toujours trop violent pour ceux qui restent au bord du quai. Pour Jean-Philippe, en une soirée, est né Mille vagues, un moment de poésie pure posé sur la guitare de Clément Doumic, on aimerait tant que le flot ramène sur le sable la vie qui s’enfuit mais, comme il écrit plus loin : « Sous la pyramide, les rois sont endormis ».

Feu ! Chatterton, tous unis pour rendre hommage à Jean-Philippe Allard avec Mille Vagues, le 16 octobre 2025 au Studio 104 de la Maison de Radio FRance.

De la tristesse à la liesse, Feu ! Chatterton aime les montagnes russes. Le concert du 16 octobre file vite, trop vite. Tous debouts, on chante avec eux les mots qu’on connaît par coeur de « Un Monde nouveau », l’un des tubes de Palais d’argile.

Il a vraiment un goût de reviens-y. Parce qu’il le faut, toujours, Arthur reprend l’Affiche Rouge. On a envie de leur dire. On voudrait écouter les autres : l’espoir nostalgique de « Ce qu’on devient », la tendresse du « Carrousel », « Mon Frère », encore et encore. On reviendra….

Arthur Teboul, le chanteur, est, aussi, poète, auteur d’un recueil paru dans la mythique collection de Pierre Seghers, le Déversoir, poèmes minutes. Sa voix de métal et de miel, de velours et de cristal, est le fil sur lequel tous les mots deviennent des perles, serties dans l’écrin de son quatuor de feu. Dans ce Labyrinthe, oh, la doulceur exquise de « A cause ou grâce » avec ses rimes pauvres, et riches :  

« Elle est violente, notre folle espérance et comme il fait mal, l’idéal… Attend l’aurore, Quand reviendra l’aurore, On trouvera de l’or. Oui tu trouveras de l’or, Tu retrouveras de l’or. On trouvera cet or »

Et « Allons voir ! » Pour cette année, et pour beaucoup d’autre, ce sera un viatique de tous ceux qui l’écoutent :

« Tu meurs d’envie d’aller voir, par toi-même faire tes preuves.

Et si c’était la mer à boire eh bien que la mer t’abreuve.

Le ciel sera toujours bas à ceux qui vivent sans courage

Tu ne les écoutes pas quand ils disent, ce n’est pas de ton âge

Et u vas vers ce pays, vers cette vie qui enivre,

Comme celle que tu lis dans les pages des livres.

Il est temps de vivre.

Allons voir ce que la vie nous réserve, n’ayons peur de rien, prends-moi la main. »

Un immense coup de foudre, un grand coup de cœur celui-ci, fruit de tant d’années, de mois de labeur, de bonheur, de larmes, de douleur, de naissances et de deuils. Aux premiers accords, j’en étais sûre, ce serait le tube de l’hiver. Gagné ! On prend toute l’énergie folle de la mort et de la vie de ce Labyrinthe. Feu ! Chatterton, merci pour ce sourire musical et, entre poètes, que la devise de René Char vous accompagne :

« vas vers ton risque, serre ton bonheur, impose ta chance, à te regarder ils s’habitueront ».

Labyrinthe, UEF/Universal, 62 mn, 13 titres (pas douze, treize à la douzaine)

Feu ! Chatterton, en concert partout en France

Et le concert de France Inter à retrouver en replay

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