Art PARIS

Le Corps et l’Âme. L’expo que le Louvre rêvait de vous présenter…

Orphée ouvre le bal. Avec Georges, Marie, Madeleine, Jésus, Etienne, Jérome et les autres, il repose dans l’ombre protectrice du palais des rois de France. Les yeux ouverts, ou baissés, ils tiennent ensemble depuis le printemps 2020 un étrange conciliabule. Que peuvent-ils bien se raconter, seuls entre ces pierres silencieuses, otages malgré eux des confinements subis par leurs visiteurs humains ? Que savent-ils, eux, tout de pierre et de marbre, des virus qui assaillent la planète ?

Orphée, Bertoldo di Giovanni

Il y a seulement un an, c’était un autre temps, ils sont venus en grands transports, des quatre coins du monde, amoureusement et soigneusement élus par les commissaires de l’exposition. Marc Bormand de Paris, Beatrice Paolozzi Strozzi, de Florence, Francesca Tasso de Milan affichaient ainsi fièrement leur désir de nous relier à nos racines gréco-romaines et chrétiennes. Leur invités guettent depuis des visiteurs qui ne viennent pas, hormis peut-être les fantômes des rois de France…

Ils nous interpellent et nous dévisagent. Les yeux grands ouverts, méditativement, tendrement, baissés souvent, exorbités, furibonds, tendres, songeurs. Leur volonté, affichée ouvertement et sans pudeur, nous émouvoir et nous convaincre, bousculer l’âme, et la chair, de leur spectateur. Nous remuer les tripes. Ils y excellent.


Tullio Lombardo, Bacchus et Ariane. Marbre, vers 1505‐1510. Vienne, Kunsthistorisches Museum, Kunstkammer © Kunsthistorischesmuseum, Vienne.de

Le nom donné à l’exposition est le Corps et l’Ame, mais son sous-titre, la Fureur et la Grâce conviennent tout aussi bien à leur rassemblement dans l’ère troublée que nous traversons.

En ce temps merveilleux de la Renaissance (XVe-début XVIe siècle), avant que ne s’abattent sur l’Occident les horreurs des nouvelles guerres de religion, toute une cohorte d’artistes s’inscrivait dans le sillage tracé par Donatello, le maître florentin, pour sublimer le théâtre de nos sentiments. Emouvoir et convaincre, tel était leur but, afin de toucher au coeur l’âme du spectateur. De la pudeur à l’effroi, de la tendresse à la fureur, toute la palette de leurs émotions s’imprime sur la toile, dans le bois, la pierre ou transparaît à travers les veines du marbre. C’est l’humanité dans toute sa vilenie et sa splendeur. Corps sublimes ou torturés, muscles bandés ou corps alanguis, la représentation humaine captive et fascine d’autant plus dans sa beauté idéale quand les individus contemplent au quotidien leur propre imperfection, parfois avec humour, comme dans cet impertinent Tireur d’épine, sans doute commandé à son image par un riche mécène, dont la douleur semble si dérisoire face à la douceur de Madeleine tenant la main de son Christ.

Parfois drapés, juste suggérés, les corps aiment aussi se dévoiler. Les formes, comme les sentiments se dénudent. Les artistes jouissent sans minauder de la souplesse d’une hanche, de la rondeur d’une fesse, des jeux innocents de ces demi-dieux et déesses échappés d’un Parnasse idéal. Nul n’est troublé par la nudité, pas plus que rien ne vient la troubler. Elle est la juste expression d’êtres ou d’âmes qui n’ont aucune laideur à dissimuler.

Gros plan aussi sur les visages expressifs, parfois torturés, méditatifs, sereins, apaisés…. Leurs traits, leurs sentiments empreintent les codes de la Légende Dorée. Sébastien, Dominique, Marie-Madeleine, … mais sous la pierre, le marbre, le bois, on devine bien les hommes et les femmes, proches des artistes, qui leur ont prêté leurs traits.

On avance, envoûté, à travers cette foule de 140 personnages, certains inconnus, tirés de l’anonymat d’une chapelle toscane où ils reposaient jusqu’ici, d’autres déjà rompus à la fréquentation du public, comme les fameuses Grâces ou cet Esclave mourant et cet Esclave rebelle offerts par Michel Ange en 1546 à son ami Roberto Strozzi qui en fit don à François 1er, synthèse des passerelles qui relient art classique et art moderne.

Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange. L’esclave mourant et L’esclave rebelle. 1513-1516. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures © Musée du Louvre, dist. RMN – Grand Palais.

Et voici la toute dernière surprise, avant de quitter la salle, ce chérubin dynamique marchant, à grandes enjambées optimistes, vers son destin. Qui est-il ? Cet adolescent, étrangement impubère, a longtemps dormi, anonyme, dans les couloirs de l’ambassade de France à New-York. Les spécialistes trouvaient l’oeuvre « attachante », mais se divisaient autour de sa paternité. En l’an 2.000, déjà, la statue avait quitté son hall de Manhattan pour subir des examens au Louvre. L’expert, Jean-René Gaborit notait alors : « C’est une pièce ambitieuse mais inaccomplie. Le mouvement tournoyant du personnage est audacieux, pourtant il y a un manque de coordination, un décalage entre le dessin des fesses et le modelé du ventre. ». Vingt ans plus tard, les esprits sont accordés. Il semble désormais acquis qu’il s’agit bien du Cupidon de Michel Ange, dont la trace avait été signalée pour la dernière fois en 1650 dans les jardins de la villa Borghèse. Puissions-nous la retrouver bientôt à l’air libre et que son enthousiasme nous guide vers les beaux jours…

Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange (attribué à), Cupidon, vers 1497. New York, Services culturels de l’Ambassade de France, dépôt New York, Metropolitan Museum. France, ministère de l’Europe et des affaires étrangères © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais .

INFORMATIONS PRATIQUES

MUSÉE DU LOUVRE
Horaires :
jusqu’au 18 janvier 2021, de 9h à 18h, sauf le mardi. Puis, peut-être, au printemps 2021, à Milan
Renseignements : www.louvre.fr
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#CorpsEtAme

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