BIARRITZ Danse EN SCÈNE Musique

Juliette Klein, magistrale « Mégère » des Ballets de Monte-Carlo

Un ballet néo-classique qui fait la part belle à la pantomime

Coup de théâtre et coup de foudre, dimanche 15 septembre, à la Gare du Midi à Biarritz, en clôture du festival le Temps d’Aimer la Danse qui offrait, en hommage à son fondateur Jakes Abeberry, le ballet La Mégère Apprivoisée créé par Jean-Christophe Maillot pour les Ballets de Monte-Carlo. Une danseuse de 23 ans, Juliette Klein, y fait sa prise de rôle. Révélation

Les Ballets de Monte-Carlo toujours à la pointe de l’art

En cette belle journée de fin d’été, on attendait gentiment la Mégère Apprivoisée, le spectacle de clôture du Festival le Temps d’Aimer. Le matin, sur la Grande Plage, le maître du ballet avait dispensé ses conseils autour de la Gigabarre et on s’apprêtait à retrouver avec plaisir les célèbres Ballets de Monte-Carlo, fondés en 1936 et connus pour leur qualité et leur éclat. Entre eux et le Malandain Ballet Biarritz, la relation est en effet ancienne, et fidèle. Ils partagent le même ADN néo-classique et en sont les invités réguliers.  Le spectacle proposé était aussi une valeur sûre : la Mégère Apprivoisée, chorégraphie créée en 2014 par son directeur, Jean-Christophe Maillot, et récompensée de trois Masques d’Or, le festival russe de théâtre vivant. Le sujet de la comédie de William Shakespeare aussi est connu : c’est l’histoire d’une femme insoumise qui refuse de se cantonner au rôle d’épouse soumise d’abord à son père, puis à son mari. Katharina, femme au caractère bien trempée se frotte à Petruchio, gentilhomme bien décidé à la « dompter » tandis que Bianca, sa sœur, et Lucentio, empruntent les chemins plus balisés de l’amour sous le regard de leur père Baptista. Le thème pouvait paraître à contre-courant avec les valeurs égalitaires du moment.

Juliette Klein, « mégère bousculée » par son promis, Ige Cornelis

Jean Rouaud qui signe l’adaptation de l’œuvre shakespearienne s’en explique : « Au lieu de faire de La Mégère apprivoisée une sorte de manuel machiste – comment on « dompte » une femme revêche – il s’agit de mettre en scène la rencontre au sommet entre deux fortes personnalités qui enfin se reconnaissent l’une l’autre. Leur côté asocial, ingérable, vient d’abord de leurs solitudes respectives, où leurs personnalités incompatibles avec le genre humain ordinaire les maintiennent, ce qui explique leurs excès jusque-là, faute d’avoir trouvé un homme ou une femme à leur démesure. Ce sont deux albatros au milieu d’une volée de moineaux. Car il s’agit bien ici d’un amour hors norme. »

« Deux albatros au milieu d’une volée de moineaux »

Le grand rideau de la Gare du Midi se lève. Un regret, et le seul, c’est que la musique enregistrée ne permettra pas aux applaudissements de se prolonger, ni aux danseurs de laisser la moindre place à la détente. On rêverait d’un véritable orchestre qui vibre, qui respire. Mais live ou pas, Chostakovitch excelle toujours. Le chorégraphe et le scénographe ont choisi des extraits des suites de musiques de film du compositeur russe : « Seule », « Hamlet », « Pirogov » et des passages de la symphonie N°9 et de la symphonie de chambre.

Lou Beyne dans le rôle de Bianca, la douce

Une distribution majuscule scintille sur ces joyaux musicaux. Les danseurs sont poussés dans leurs extrêmes par la chorégraphie passionnée, provocatrice et rugueuse de Jean-Christophe Maillot. Le couple Bianca (Lou Beyne)-Lucentio peut se réserver quelques instants de tendresse, Lukas Simonetto joue avec bonheur le valet Grumio, véritable Zébulon, mais c’est le couple terrible formé par Catharina et Petruchio qui crée la surprise.

Un duo d’amour passionné entre Catharina (Juliette Kleine) et Petruccio (Ige Cornelis)

A 23 ans, Juliette Klein s’y révèle comme une tsarine de la danse. Née en 2001 à Monaco, formée au conservatoire de Menton, puis à l’école de Rosella Hightower à Cannes, elle a toujours rêvé de danser avec les Ballets de Monte-Carlo et y est entrée en 2019, déjà plus jeune danseuse.  Silhouette de rêve, jambes interminables, buste gracile, minois de charme, technique et musicalité sur tous les registres, de l’impertinence des premiers instants à la fièvre passionné du duo d’amour passionné au 2e acte, elle s’impose par son talent précoce aussi bien dans les figures acrobatiques que dans l’art subtil de la pantomime où son partenaire, Ige Cornelis, lui donne aussi brillamment la réplique. Les spectateurs de Shangaï auront le bonheur de découvrir la Mégère Apprivoisée en novembre avant qu’elle ne revienne étinceler sur la scène du Grimaldi Forum Monaco entre le 20 décembre et le 4 janvier 2025. Avec, précise la brochure de saison : « une toute nouvelle distribution qui permettra de découvrir les talents qui ont rejoint récemment la Compagnie ».

LA MÉGÈRE APPRIVOISÉE – J-CH. MAILLOT
Chorégraphie : Jean-Christophe Maillot
Musique : Dimitri Chostakovitch
Scénographie : Ernest Pignon-Ernest
Lumières : Dominique Drillot
Costumes : Augustin Maillot
Argument : Jean Rouaud d’après William Shakespeare
Assistante Chorégraphie : Bernice Coppieters

photos C de Otero- Le Temps d’Aimer la Danse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *