Un jour on pose ses valises. Les mains libres, les yeux s’ouvrent aussi, on peut regarder autour de soi et ouaouh, quelle vision, quel vertige ! C’est ainsi que commence Saïgon Paris, aller simple, cette pièce en forme de valse-confidence à laquelle Éliane Le Van Kiem, fondatrice de la compagnie Corossol, et le musicien, Hervé Delaiti, nous invitent, le temps de plonger dans ses racines et de retrouver les nôtres.
La petite valise est comme le sac de Mary Poppins. Il suffit de l’ouvrir, un univers en émerge. C’est ce que fait Eliane Le Van Kim, dans le spectacle Saïgon-Paris, aller simple où elle a mis tout son cœur. Elle entre ainsi, sur scène, avec sa valise qu’elle pose sur une petite table. Le premier objet qu’elle en sort est un manteau, cet imper que tous les pères des années 1950 à 1975 portaient pour aller au travail et en rentrer. Il n’y a personne, pour l’instant, dans ce manteau, alors, très logiquement, elle le suspend à un cintre. Et puis, tout se met en place. La photo de Louis, les bâtonnets d’encens, le pomelos et les fruits qui constituent, où que l’on se trouve, le petit autel pour les ancêtres, nos chers disparus.
Louis est parti du Vietnam en 1947 pour étudier en France. Jamais il n’a revu son pays natal. 77 ans plus tard, comme dans Tintin, Eliane, sa fille, part sur ses pas, avec nostalgie certes, mais jamais dans la douleur. Elle raconte tout : les souvenirs de l’enfance, la nostalgie de Louis et ses silences, l’incompréhension, la volonté que les enfants réussissent à l’école, tout ce qui fait qu’on est différent, qu’on essaie de le cacher et que, finalement, un jour, ça ressort. Au début, les mots (les maux) ont dû mal à sortir, ils se cachent un peu dans les plis des habits, des rideaux, et puis doucement, arrivent le musicien qui joue de la guitare, et l’ami qui écoute. Grâce à eux, tout va de mieux en mieux.
L’histoire est celle d’Eliane, et de son père, Louis, mais elle n’est pas uniquement celle de la communauté vietnamienne. Elle est celle de tous ceux qui partagent ce même désir ardent d’intégration. Elle a un talent fou pour nous faire rire doux, elle sait tout faire, le cheval, le clown, le chien qui met ses pattes partout. Avec le rire, car ça passe mieux toujours.
Pour donner corps à ses émotions, Éliane convoque aussi la musique et la chanson. A ses côtés, il y a Hervé Delaiti, guitariste au grand cœur et à la présence scénique unique. Il met toute son énergie et sa sensibilité pour l’accompagner et pour nous inviter à rentrer dans la danse. La musique n’est pas celle qu’on attend, pas les violons et les flûtes de la gamme pentatonique asiatique. Non, ce sont les chansons de la France de ces années-là, celles que Louis fredonnait, Ma Bohême de Charles Aznavour, Les Beatles, Les Stones, La Tendresse de Bourvil, Daniel Guichard, toutes les bonnes rengaines de nos « Vieux » qui, entre deux éclats de rire, nous mettent les larmes aux yeux. Ce jour-là, la pièce était jouée dans la salle de France Travail Spectacle, qui sait proposer des tremplins aux artistes en quête d’un lieu pour poser leur valise. Et là, c’était une évidence, pour Saïgon-Paris, c’est sûr, un aller simple ne suffit pas. On demande un aller et retour, s’il vous plaît !
Merci infiniment pour ce regard si juste et bienveillant.