Avec son élégance et sa discrétion habituelle, Hughes R Gall s’en est allé ce samedi 25 mai 2024, à l’âge de 84 ans. Membre libre de l’Académie des Beaux Arts, directeur de la fondation Monet à laquelle il a donné depuis 2007 une envergure majeure, je ne sais s’il s’est endormi au milieu des orchidées de la serre de Giverny qu’il aimait tant. Il part en tout cas, en artiste, lorsque les fleurs du jardin de Claude Monet sont au meilleur de leur floraison et alors que l’Opéra de Paris, dont il a été et restera le Grand Patron, donne Don Quichotte de Massenet, une œuvre qu’il chérissait, comme tant d’autres.
Dona Musique reparlera un peu plus de lui, bientôt, mais en attendant de passer l’émotion de sa disparition, voici le portrait qui était fait de lui dans La Vie Quotidienne à l’Opéra aujourd’hui (Hachette Littérature) , enquête qu’il m’avait permis de réaliser entre 1999 et 2004 entre les murs de sa Maison qu’il aimait tant, et dont je ne lui serai jamais assez reconnaissante. J’espère qu’un buste de lui trouvera sa place aux côtés de celui de Rolf Liebermann, son ami et maître, dans l’enceinte du Palais Garnier à qui il a su donner tout son lustre. Reposez en paix, cher Ami. Vous ne nous avez donné que le meilleur.
« Né en 1940, rue Alphonse Allais à Honfleur dans le Calvados, ce Normand de souche bavaroise aurait tout aussi bien pu être un capitaine au long cours ou un laboureur têtu creusant son sillon. Méfiant comme un chat, à l’affût des multiples pièces qui, il le sait bien, peuvent le mettre en difficulté du jour au lendemain c’est une sorte de misanthrope bourru qui cache sous sa carapace un regard bleu d’une intense luminosité. Il sait qu’à l’Opéra, on danse sur une poudrière et que tout peut voler en éclats en un instant. Qu’ici, comme sur un navire, il n’y a qu’un seul commandant, que le pouvoir ne se partage pas, que la fonction de directeur est un exercice solitaire qui oblige à garder ses distances, même avec ceux que l’on croit bien connaître et apprécier. En vingt ans de boutique et quarante années de métier, il est ainsi parvenu à obtenir de tous l’ingrédient sans lequel son pouvoir eût été vain : le respect. A tel point que tous ici reconnaissent en lui un vrai « patron ». En 2002, il disait :
« Je ne suis ni musicien, ni metteur en scène, ni chanteur, ni ancien journaliste. J’ai été élevé dans un milieu familial qui aimait la musique…J’ai d’emblée aimé l’opéra, où l’on m’emmenait régulièrement. Bien qu’ayant pratiqué, étant enfant, le piano et le violon, je n’ai malheureusement pas persévéré, et mes études ne semblaient pas devoir me conduire vers le métier qui est le mien aujourd’hui.J’ai fait en effet des lettres allemandes et j’ai passé quelques années à Science-Po.Je n’en suis même pas diplômé, puisque la mort de mon père m’a obligé à interrompre mes études. Je ne suis et ne serai jamais membre de la technostructure. »