BIARRITZ Danse EN SCÈNE

Ambra Senatore, comme des oiseaux qui dansent

Invitée régulière du Festival le Temps d’Aimer la Danse, Ambra Senatore en est le cœur même, généreuse, frivole, tendre et spontanée. Cette année, elle présentait In Comune, un éloge de la diversité joyeuse, qu’elle a décliné depuis la simplicité du Jardin Public jusqu’à la scène du Casino Municipal.

A Biarritz, sur la Grande Plage, il y a trois sortes de personnes. Celles qui vont sur le sable, celles qui restent sous les arcades et celles qui s’assoient par terre. Ce ne sont pas les plus nombreuses. Ce dimanche 15 septembre, Ambra Senatore est de celles-ci. Italienne, originaire de Turin, depuis 2016, elle dirige le Centre Chorégraphique National de Nantes ( CCN Nantes)Tous les deux blonds comme les blés, elle s’est posée avec son fils, tel deux oiseaux au-dessus du sable.  On ne sait pas bien si elle danse ou si elle bouge, simplement. En fait, peut-être, certainement, un peu les deux, en même temps. C’est ce qu’elle a fait comprendre samedi midi dans le Jardin Public, face à la gare du Midi où les enfants des classes primaires étaient venues s’assoir, eux aussi par terre, pour découvrir le travail des danseurs. Car le soir, le C.C.N. Nantes est attendu sur la grande scène du Casino Municipal pour un spectacle In Comune. On attend donc une troupe, mais Ambre s’avance seule. Et elle parle, pas si fréquent pour les danseurs, au moins jusqu’à une période proche.

« Elle parle… Pas si fréquent pour les danseurs »


« Voilà, dit-elle, les danseurs arrivent, mais ils sont en retard. Comme certains ont passé la nuit dans le train et que d’autres sont arrivés tard, ils répètent dans les studios de la Gare du Midi – elle la désigne d’un grand geste de bras – Est-ce que vous voulez les voir ? » Bien sûr, tout le monde crie : « Ouiiiii ! » De loin, Ambra appelle : « Ohé Ohé ! Matthieu, Olimpia, Chandra ! » De loin, par les fenêtres, on voit des bras, des jambes s’agiter, s’élancer, sauter… « Vous voyez, ils répètent pour ce soir, mais je peux vous expliquer. »

Alors, sous le soleil, Ambra, toute seule, fait des figures, des pirouettes, des lancés, pose un sac, le reprend, tout en rythmant son travail avec des onomatopées… « Vous voyez, il y a des choses comme ceci, et puis des choses comme cela. Et puis, on va par ici, et par là… Bon, d’accord, ce n’est pas très concluant. Vous avez envie de voir plus de monde », dit-elle pleine de bonne volonté. Aussitôt dit, aussitôt fait. Cinq ou six danseurs bondissent sur la scène et reprennent les figures esquissées par la chorégraphe. Manque encore la musique. Ce sera du Beethoven. Tout le monde rit, applaudit, désarçonné par cette répétition en forme de surprise. « Et si vous venez ce soir, au théâtre, ce sera mieux encore, car nous serons douze sur scène, et il y aura de belles musiques. »

Le soir, au soleil couchant, on s’est tous retrouvés au Casino Municipal. In Comune n’est pas une pièce nouvelle, mais elle se nourrit sans cesse de ce que chacun de nous a envie de partager. Ambra Senatore a tenu ses promesses. « La pièce, a-t-elle expliqué, est un tableau de vies. Avec ce qu’on connaît, ce qu’on reconnaît, ce qui pose question et ce qui reste compréhensible. » Les interprètes sont passés, repassés, ont retiré leurs vestes, échangé leurs pulls, laisser circuler toutes les énergies de cette salle emplie d’une collective générosité. On a parlé des champignons, des baleines, des arbres, des singes.

Ambra a expliqué « Quelques jours avant la première, nous avons découvert un texte qui résonne avec la pièce et que nous souhaitons partager avec vous. En voici quelques lignes :

« Je saluerai ma mère, qui habitait le miroir avec le visage de ma vieillesse. Et saluerai la terre, son désir ardent de me répéter et de remplir de graines vertes son ventre enflammé. Oui, je la saluerai, la saluerai de nouveau. » Et tout en citant l’auteur, Forugh Farrokzad, poétesse iranienne née en 1935 et morte en 1967, Ambra nous a rappelé que, dans beaucoup de pays, et surtout en Afghanistan, des lois scélérates viennent de décider que les femmes n’ont plus ni le droit de danser, ni celui de chanter, de façon audible, même à l’intérieur de leur maison. Et nous avons compris pourquoi la danse doit nous habiter, à Biarritz, pendant le Temps d’Aimer, et à chaque souffle, à chaque instant de notre vie.

Durée 1h10

Chorégraphie Ambra Senatore avec la complicité des interprètesSur scène Youness Aboulakoul, Philippe Lebhar, Pauline Bigot, Pieradolfo Ciulli, Matthieu Coulon Faudemer, Louis Chevalier, Lee Davern, Olimpia Fortuni, Chandra Grangean, Romual Kabore, Alice Lada, Antoine Roux-Briffaud, Marie Rual, Ambra SenatoreMusique originale Jonathan SeilmanCréation son Jonathan Seilman avec les musiques adaptées de L. V. Beethoven (Sonate n°14 au Clair de lune Op. 27 n°2 III. Presto Agitato), de W. A. Mozart (Messe de Requiem en ré mineur K.626), de F. Schubert (Sérénade D. 957)Lumières Fausto Bonvini Assistant (dans le cadre du dispositif Compagnonnage) Cédric Marchais Costumes Fanny Brouste Régie plateau Bruno Fradet

Production CCN de Nantes Coproduction Théâtre de la Ville de Paris, Le Théâtre, scènenationale de Saint-Nazaire, le lieu unique, scène nationale de Nantes, KLAP Maison pour la danse, Marseille, DSN, scène nationale de Dieppe

Photos C-de-Otero. Le Temps d’Aimer la Danse / Jean Couturier Frédérique Jourdaa

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