PÉROU SAGESSES

L’Oasis du couvent Santa-Teresa à Aréquipa

Je ne sais pas si Doña Musique trouvera les mots justes pour exprimer ce que l’on ressent quand on demeure un peu dans le couvent Santa Teresa. Mais, en ce jour de Noël, je voulais vous inviter à voyager avec moi, par-delà l’Océan, pour visiter ce petit havre de paix juché sur les hauteurs d’Aréquipa au Pérou.

Si vous avez la chance et le bonheur de marcher dans les rues d’Aréquipa, votre regard franchira certainement bien des porches pour goûter la fraîcheur et la discrète beauté des innombrables cours qui ouvrent l’accès aux maisons. La Plaza Major, le Couvent Santa Catalina, le musée Andin, bien sûr, seront vos incontournables, tout comme les terrasses et les restaurants qui animent les maisons, du sol aux terrasses, dans un joyeux brouhaha rythmé par les aboiements des chiens. Ne vous égarez pas et venez chercher un peu au-delà. Remontez la calle Melgar, dépassez la jolie paroisse San Francisco et grimpez tranquillement, car la pente est un peu raide. Sur la gauche, vous ne tarderez pas à croiser une église, toute blanche et discrète. C’est le monastère des Carmélites de Santa Teresa que l’on appelle également Museo d’Arte Virreinal. Difficile de trouver la définition du mot Virreinal, on pourrait dire Vice-Royal, en pensant aux titres que les Rois conféraient jadis aux gouverneurs qu’ils chargeaient d’administrer les pays ou les provinces conquis, et ou bien sûr, à ce Don Rodrigue, héros du Soulier de Satin, nommé « Vice Roi des Indes Occidentales » sur cette terre toute nue et fraîche de l’Amérique Latine qu’il devait plier son joug.

L’histoire dit que le Couvent fut fondé en 1710 et il n’a ouvert ses portes qu’en 2005 pour permettre à celles et ceux qui n’ont pas embrassé les voeux du Carmel de partager un peu leur quotidien et de contempler leurs trésors qui sont immenses et précieux. C’est donc l’un des plus importants lieux d’exposition d’art Virreinal du Pérou. On peut en découvrir les oeuvres sacrées, inspirées par la piété des croyants des XVIIe et XVIIIe siècles, en visitant tranquillement, à son rythme ou accompagnée par des guides attentionnées, le temple, le choeur et le cloître. Parmi toutes les splendeurs de la Cité Blanche, c’est celle qui a le plus touché mon coeur.

Poser le pied ici est déjà un cadeau. On dirait que l’air est plus doux, les couleurs plus tendres, que les pierres vous sourient. Simplement savoir que ce lieu existe est peut-être une promesse de tendresse et de paix. Il n’est pas plus du Pérou, que d’Aréquipa, que d’ailleurs. Il est de partout et de nulle part, accessible à tous les coeurs qui l’appellent. Au début, je voulais écrire beaucoup, tout expliquer de l’ordonnancement régulier de ce musée vivant. Passé le seuil, on visite librement les salles qui présentent des centaines de tableaux et d’oeuvres d’art sacré. Il y a salle d’interprétation de l’art virreynal, la salle de l’Ordre du Carmel, la salle de la Nativité et de la Sainte Famille, celle de la Passion du Christ, celle des Saints, celle aussi de la Vierge Marie. Il y a des salles qui expliquent la vie quotidienne, et aussi une où sont réunis les Anges et les Archanges.

Les pièces sont baignées de lumière naturelle, chacune ouvre sur le cloître où chantent les oiseaux, les tableaux sont les oeuvres d’artistes anonymes et inspirés par une foi touchante et sincère, à la fois naïve et évidente. Le regard de Marie sur son enfant, dans la joie, avec à ses côtés, Jean, le Baptiste émerveillé alors qu’un colibri joyeu vole entre eux (l’Esprit saint ?) est une caresse pour l’âme. Sous leur pinceau, Jésus est vraiment un bébé, et plus tard, encore, vraiment charpentier. Peintures, sculptures taillées et peintes pour les processions et les expositions, pour l’essentiel au XVIIIe siècle, elles ont miraculeusement passé les sans perdre leur fraîcheur et leur couleur.

Les trentaine de Soeurs qui y ont pris le voile, y vivent toujours et prennent soin des lieux par leur prière et leur travail. Aux heures où le public n’est pas admis, elles sont dans leur maison. On peut imaginer leurs petits pas déambulant dans les allées du cloître, chantant à leur ouvrage. On peut deviner, presque, leur souffle et prière qui flotte dans l’air léger. Certainement, veillent-elles à ce chacun de ces trésors de piété demeurent immaculés comme au premier jour.

Il flotte ainsi une inspiration et un recueillement tout particuliers dans la salle du Chapitre presque intégralement peint, comme un jardin d’Eden. Comme un parfum de roses.

Un peu plus loin, il y a aussi le patio de la Cereria et le corridor jaune, baigné de lumière et de chaleur. On peut demeurer aussi longtemps que l’on veut dans le cloître, assis sur les bancs de bois en contemplant la fontaine en marbre et les oiseaux qui jouent dans le grand olivier ou sur la pelouse, en lisant aussi, si on le souhaite, les devises soigneusement peintes le long des murs, ou en rêvant, tout simplement.

Peut-être ces mots de Christian Bobin dans le Christ aux coquelicots (éditions Lettres vives), seulement, peuvent résumer cette rencontre par-delà les vanités et les apparences :

« Il y a des îles de lumière dans le plein jour.

Des îles pures, fraîches, silencieuses, immédiates.

L’amour seul sait les trouver. »

On a peine à imaginer que les Soeurs qui gardent ce lieu depuis plus de trois cents ans ont fait voeu de quitter le monde pour alléger la souffrance de ce monde. Leurs travaux précis, humbles, modestes, sont présentés avec le même soin que les tout petits savons parfumés qu’elles proposent à la vente. Et pourtant, c’est toujours ainsi qu’elles vivent aujourd’hui dans le silence. Par la force et la tendresse de ces présences invisibles, on se sent tout proche de tous ceux qu’on aime, ceux qui sont là et ceux qui sont pas là.

Quelques mots pratiques …

Le couvent est situé dans la Calle Melgar 303, dans le Cercado de Arequipa. Il est accessible du lundi au samedi de 9 h à 17 h et le dimanche de 9 h à 13 h. Tarif : 2,3 soles pour les élèves ; 5 pour les étudiants ; 10 pour les seniors et 20 soles pour le public. Toute ma gratitude à celles qui m’ont accueillie et guidée en ce lieu unique.

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