Poésie SAGESSES

Jérémie Balavoine entre en poésie.

Le fils du chanteur Daniel Balavoine publie son premier recueil de poésie, Schizoquelquechose. Avec ce livre doux-amer comme le fiel et miel, il a pris le temps, tel un papillon dans sa chrysalide, de se construire, avant d’offrir au grand jour le meilleur de lui-même.

Avec sa chemise canadienne, sa silhouette longue, sa tignasse en bataille et son regard de braise, Jérémie Balavoine ressemble à un étudiant ou à un sage. Sage, peut-être l’est-il déjà ou depuis toujours ? A moins qu’il ne soit fou, car comment se construire raisonnablement quand on est le fils de l’icône des années 1980 ?  Dans la chanson « Dieu que c’est beau », composée pour sa naissance le 15 juillet 1984, le chanteur né le 5 février 1952 à Alençon (Orne) et mort à 33 ans le 14 janvier dans un accident d’hélicoptère alors qu’il s’engageait dans des projets humanitaires au Mali, l’appelait « le héros qui sort sous les bravos ». Jérémie aurait pu se brûler les ailes aux soleils artificiels de l’argent vite gagné et des célébrités bâties sur du sable. « Après la déflagration, explique-t-il, ma mère a choisi, ma sœur Joana – NDLR, née 4 mois après le crash- et moi, de nous protéger des regards indiscrets. Elle nous a nourri de livres, d’art, de musique. A l’époque, dans ma tête, je me faisais des murs tout seuls. L’écriture était ma fenêtre. J’ai fait de la guitare, du piano au Conservatoire. J’ai longtemps gardé l’anonymat tant pour les groupes de musique où j’ai joué comme guitariste que pour les chansons que j’ai composées. J’ai beaucoup voyagé, surtout au Japon. Je me retrouve totalement dans cette culture de l’ombre et de l’ellipse, où le kintsugi apprend à recoller avec de l’or les morceaux brisés d’une poterie pour qu’elle soit plus belle encore. »

C’est certainement pour cela qu’à 40 ans, l’âge où l’on dit que la vie commence vraiment, Jérémie Balavoine publie son premier recueil de poésie, Schizoquelquechose, un livre-kaléidoscope qui lui ressemble beaucoup. En artisan minutieux, il a dessiné la couverture gris tempête avec ces gratte-ciels noirs, au-dessus desquels flotte une lune bleue. A l’intérieur, il y a des mots qui vous bousculent – « La terre ferme est effrayante » ou qui filtrent des rayons de lumière – « Calme-toi, c’est juste la chambre qui brûle dans des odeurs de sauge ».  Jérémie Balavoine n’efface rien de ce père dont il conserve si peu de souvenirs mais dont il parle toujours au présent, comme si un dialogue invisible se perpétuait par-delà le vide sidéral. Au contraire, plus les années passent, plus le lien semble se tisser en eux et plus il évolue vers la sérénité des maîtres zen. A sa compagne il a offert ses mots les plus apaisés : « tout son être, toute son âme se construisaient avec des nombres magiques ». Une façon d’affirmer avec humilité sa foi dans quelque chose de supérieur – « Si j’étais Dieu, je n’interviendrais pas non plus ».

« Mine de rien, en quelques lignes, on peut être très efficace. »

Car, pour lui, comme Herman Hesse, son modèle ou René Char, la poésie est un art radical. « Mine de rien, en quelques lignes, on peut être très efficace. Ceux qui ont connu mon père m’ont souvent dit que je suis, comme lui, un optimiste désespéré. Dans ses chansons, il y a des phrases coup de poing comme on espère tous en prendre et en donner. C’est le relais qu’on reçoit tous de lui, et d’autres, et j’espère que je saurai le transmettre. Aujourd’hui, avec l’arrivée de l’IA et tout ce qui se passe à l’extérieur, on garde toujours la liberté d’aller chercher en nous, à l’intérieur, pour découvrir comment rester ce qu’on est et ce que l’on aime. Comme écrivait Charles Bukowski : La poésie, c’est ce qui arrive quand rien d’autre ne le peut.»

Schizoquelquechose, par Jérémie Balavoine, aux éditions Cent mille millards

photo : Emma Khalfon

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