EN SCÈNE Musique PIANO

Comment bien célébrer le Printemps

La MusikFest Parisienne édition 2024.

Quelques heures encore, et il sera là. Comment l’aimer, le chérir ? Salle Cortot, à Paris, Liya Petrova et ses amis la Musikfest parisienne offrait un hommage enthousiasmant au Printemps. Une invitation à fêter, avec eux, la belle saison.

On finissait par ne plus y croire et pourtant… Un matin, sous le givre, le soleil piquant de mars parsème la terre nue de narcisses éphémères. Le bout de bois que l’on pensait mort se pare d’un tendre plumetis. Partout, cela frémit, cela germine, cela bourgonne. C’est ainsi que dans les campagnes, le Printemps montre le bout malicieux de son nez. Les citadins l’ont un peu oublié. Pourtant, de façon souterraine, en eux, revient le désir de verdir. Bientôt Pâques, la naissance et la Renaissance.

« Une cinquième édition de la Musikfest Parisienne placée sous le signe de l’éclatante jeunesse »

Violaine Despeyroux à la MusikFest Parisienne édition 2024. Violaine Despeyroux par Lewis Joly

C’est peut-être pour cela que la violoniste Liya Petrova a eu l’idée de lancer au printemps 2020, alors que le monde était encore confiné la première Musikfest Parisienne à la salle Cortot. La première édition sans public avait déjà rencontré un grand succès en ligne. Depuis ce festival de printemps constitue de grandir dans la salle Cortot. L’écrin musical conçu par Auguste Perret pour Alfred Cortot était plein à craquer le vendredi 15 mars 2024 pour applaudir l’affiche éclatante de cette cinquième édition consacrée au thème de la Virtuosité et placée aussi sous le signe de l’éclatante jeunesse.

« Qu’est-ce qu’un virtuose ? , s’interroge la flamboyante artiste d’origine bulgare désormais installée à Paris et qui joue le superbe violon Guarnerius del Jesu qui appartint au rival de Paganini, Pietro Rovelli. « Un prodige dont le don surhumain vient peut-être du diable lui-même, ou celui qui, passé maître dans son art, cherche la perfection dans chaque note ? »

Les 21 artistes invités (*) ont chacun apporté leur touche à cette interrogation, faisant la part belle, pour la première soirée du mercredi 13 mars, aux princes de la virtuosité : Pietro Rovelli (1793-1838) et Nicolo Paganini (1792-1840), pour poursuivre le lendemain, avec les formes libres qui ont fleuri au XIXe siècle : Fantaisies, ballades, études, et par le joyau composé par Wolfgang Amadeus Mozart en 1779, le Grand Sextuor Concertant d’après la symphonie concertante.

On a atteint le point d’orgue de cette attente quand Pavel Kolesnikov & Samson Tsoy ont apporté en offrande Le Sacre du Printemps. L’idée du Sacre du printemps était venue à Igor Stravinski né à Saint-Pétersbourg (Russie), en 1882, en 1910. Il avait encore en tête les légendes slaves de l’Oiseau de feu. « J’entrevis dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à la mort d’une jeune fille, qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps », écrit le compositeur dans ses Chroniques. Comment imaginer dans l’écrin doré de la Salle Cortot l’univers de cette œuvre qui fit scandale lors de sa présentation au public parisien le 29 mai 1913 ? Les deux pianistes sibérien et kazakh ont pris à bras le corps la rarissime version transcrite par Igor Stravinski pour piano à 4 mains. Les 88 touches du piano suffisent-elle pour mettre en gerbe tout le génie de Stravinski ?

Pavel Kolesnikov & Samson Tsoy à la MusikFest Parisienne édition 2024. Lewis Joly

Pavel & Samson répondent oui en devant, tel le centaure, une seule créature à deux corps, quatre pieds et vingt doigts. Avec une jubilation féroce, ils se jouent des syncopes et des rythmes immémoriaux, subliment ces Tableaux de la Russie Païenne avec ses grandes sections  : les adolescents, le jeu des cités rivales, l’arrivée du Sage, la Danse de la Terre, le cercle des jeunes filles et la désignation de l’Elue au milieu des Ancêtres. Claude Debussy, qui avait quelques temps auparavant déchiffré cette même réduction pour piano avec Stravinski chez son ami écrivain et musicologue, Louis Laloy, en avait donné une idée dans une lettre à son ami André Caplet au soir de la création. « Le Sacre du printemps est une chose extraordinairement farouche. Si vous voulez, c’est de la musique sauvage avec tout le confort moderne. »

Pour clore cette Musikfest Parisienne, Alexandre Kantorow est revenu avec la Rhapsodie de Bela Bartok portée à un haut point d’incandescence et de spiritualité. Comme un écho jubilatoire au Sacre du Printemps de Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy. Cette transe à quatre mains nous invite à accepter ce cataclysme et à célébrer le regain où les corps renforcés sous le manteau de neige s’apprêtent à refleurir.

(*) Liya Petrova, Alexandre Kantorow, Aurélien Pascal, Lise Berthaud, Julien Gernay, Victoe Julien-Lafférière, Quatuor Magenta, Christophe Morin, Laurent Marfaing, Adam Laloum. Théo Fouchenneret, Shishi Okada, Caroline Sypniewski, Violaine Despeyroux, Edgar Moreau, Paval Kolesnikov, Samson Tsoy.

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